L’eau coule sous le pont de SAINTES 1 par Jean-Pierre Franssens
Nous sommes heureux de retrouver Jean-Pierre. Il nous emmène à la découverte de la ville de Saintes en Charente.C'est une recherche remarquable que nous allons suivre pendant quelques semaines.
Dans bien des provinces nous retrouvons nos racines, romaines, gauloises, Judéo-chrétienne, à travers différents monuments antiques ou religieux. Jean-Pierre nous fait voyager dans le temps… de -20 avant Jésus-Christ, où la cité fut créée par Agrippa gouverneur sous l'empereur Auguste et devint pour quelques temps la capitale de l'Aquitaine gallo-romaine avant de devenir au IIIe-IVe siècle une petite ville chrétienne…
Merci à Jean-Pierre de nous faire connaître et apprécier la science et l'immense talent des architectes que Rome envoya en Aquitaine.
Chut !... Place à notre aimable collègue !
CD
L’eau coule sous le pont de SAINTES, Médiolanum-Santonum
Ça coule de source...là et par là, et aussi ici, n’est-ce pas...PALISSY … ? Bernard.
L’eau, source de vie, source de conflits, de survie, l’eau indispensable de tout temps et en tout lieu….Sources, vous allez être fortement sollicitées au rythme des lignes suivantes……...
Lorsque les romains au cours de leurs conquêtes en Gaule vinrent s’installer en Aquitania, les occupants « Santons » pour la plupart originaires de l’est subirent l’invasion et réussirent à s’intégrer et coopérer avec l’envahisseur. Un Empire Gallo-Romain se forma et, en ce qui concerne notre récit, une communauté importante se développa sur les bords de la « Carentonus» ou Charente : la « Civitas »-cité nommée « Médiolanum » (centre du territoire) dans un premier temps, puis, « Médiolanum Santunum » (devenu Saintes) aux alentours du IIIème siècle.
« Médiolanum » était devenue capitale d’un immense territoire qui s’étendait des Pyrénées aux rives de la Loire. Un réseau de voies romaines, reliait cette nouvelle capitale aux autres centres urbains. Nous avons vu et lu précédemment, les accès sur Pons et Jonzac vers les Pyrénées sans oublier la voie Agrippa (du nom du gendre de l’Empereur Auguste), qui partait de « Lugdunum » : Lyon, pour rejoindre notre « civitas Médiolanum » en Gaule « Aquitania », l’une des 4 grandes régions conquise par César avec, la lyonnaise et la Belgique. (La Narbonnaise était conquise depuis le 1er siècle avant J.C)
L’eau, jusqu’à l’arrivée de romains provenait de la rive gauche du fleuve et alimentait des puits et des fontaines de la communauté « Santonnaise ».. Celle-ci provenait de la seule source située en amont du village au lieu-dit Lucérat. Cette source ne permettait plus l’alimentation de cette nouvelle population car son altitude à 4,72 m et son débit, ne pouvait œuvrer par gravité. Surtout que vous allez le voir, nos romains étaient des grands consommateurs d’eau pour les bains et thermes.
Les ingénieurs romains se mirent donc à l’ouvrage et nous pouvons constater leurs techniques durables et efficaces au niveau de la conception d’aqueducs.
Tout d’abord trouver les sources et là, sur la rive droite, ils furent gâtés.
Le premier aqueduc (il y en eut 3) construit à la fin du 1er siècle avant J.C, aurait, d’après un archéologue : Jean Louis Hillairet, spécialiste des aqueducs de Saintes et toujours en cours de recherches, nécessité 4 années de travaux et 1100 ouvriers.
La première source de captage était située au lieu-dit FontMorillon, à Fontcouverte (6kms à l’est de Saintes). Cet aqueduc comprenait plusieurs ouvrages, le pont des arcs (sur le terrain du golf actuel), le tunnel nommé « les 9 puits », (qui en compte treize après recherches !), le pont de Haumont et à l’entrée de Saintes, un siphon.
La voie Agrippa, du nom de son concepteur, Marcus Vipsianus Agrippa, général et politique romain : de -63 avant J.C à -12 avant J.C, pénétrait en cette nouvelle « civitas » devenue première capitale de la Gaule-Aquitaine.
Mais il fallait traverser le cours de « Carentonus » et là, un notable « santon » romanisé, Caius Julius Rufus, fit édifier les deux arcs du pont en l’an 18, à ses frais. Il était dédié à l’Empereur Tibère, son fils Drusus et son neveu, fils adoptif, Germanicus.
L’arc est classé au titre de Monument historique par arrêté au 5 juillet 1905.
Les 3 sources……
Le sujet est vaste et toujours en cours, (par la société d’archéologie de Saintes avec J. L Hillairet), je resterais très modeste en vous amenant par voie d’eau sur notre programme Histoire avec au passage, quelques éléments permettant de cadrer la technicité et les magnifiques ouvrages de ces hommes, Celtes, Santons, Romains, aux environs des 2000 ans.
Ci-dessus, la première source, en l’an 20 avant J.C qui passait la Charente en siphons de plomb après un parcours de 6kms, un débit de 3000m3 jour et son arrivée à la cote 31m, lui permettant de fournir les fontaines et les espaces comme les Thermes que nous retrouvons ci-après.
Au début du siècle après J.C, le débit de ce 1er aqueduc s’est avéré très vite insuffisant par rapport a l’extension, je dirais « à la romaine « de Médiolanum », l’élue capitale.
Des nouvelles recherches en sources furent entreprises au Nord.
Par hauteurs, par fissures, ils trouvaient ces sources à des 6 à 8 m en nappes souterraines.
Le niveau au lieu-dit « la grand font » à Le Douhet, à 12 km de Saintes étaient à la cote 43 m, et l’aqueduc élaboré arrivait devant Saintes à 35 m soit une pente moyenne pour ce second circuit de 0,67 mm par mètre, et rappelons nous, il s’accroche et se dédouble sur le bois de la Tonne à la sortie du Golf de Saintes après les Arcs. Il fallut donc deux conduits de taille différente, compte tenu que le débit passe de 3 000 à 12 000 m3 par jour.
Non, je n’ai pas oublié la troisième source : « Vénérand » se situe entre Fontcouverte et Le Douhet, plus à l’Est, sa cote est de 47m environ, donc bonne pente, et son aqueduc va se raccorder au bois de la Tonne sur celui du Douhet..
Au total l’eau va parcourir 17 km en viaducs, surface couverte, ou en sous-sol en éléments maçonnés de moellons et couverts de dalles plates ou en briquettes en voûtes.
Précisons, comme vous pouvez le constater sur les photos jointes, que de grandes parties étaient creusées a la taille d’homme debout et que pour s’aérer tous les 16 à 32 m, des puits étaient creusés qui permettaient le transfert matériaux et outils et bien entendu, la descente et la remontée des piocheurs et maçons...
Dès lors, l’aqueduc alimentait tout « Médiolanum », fontaines, bassins, villas…..mais aussi, sur la butte au nord, trois thermes, dont il ne reste aujourd’hui que quelques vestiges de Saint Saloine. L’aqueduc resta en service, plus de trois siècles.
Le développement, rive gauche à travers l’artisanat semble avoir été important si on en juge les pièces retrouvées en verrerie, poterie, métallurgie.
La ville va s’étendre jusqu’à 100 hectares et sa population fut supposée de 15 000 âmes, ce qui correspondait au remplissage de l’amphithéâtre construit sous le règne de Tibère et achevé sous le règne de Claude, environ l’an 40 après J.C.
La civilisation romaine a apporté ce nouvel art de vivre, hygiène et hydrothérapie. Un lieu de détente qui jouait un rôle social.
Saint Saloine, édifié sur un hectare environ, a été abandonné au déclin de la ville au IIIème siècle. La partie visible actuellement correspond au « caldarium » ou salle de bains chauds. Une église édifiée sur ce lieu a totalement été détruite et rasée au XVIIIème siècle.
Les thermes de Saint Vivien et de Saint Pierre ont totalement disparus. Seul un modeste mur reste près de la nouvelle église de St Vivien, sur laquelle nous reviendrons.
L’amphithéâtre, achevé sous Claude en l’an 40 a été construit, adossé au vallon appelé : « des arènes ». Les gradins sont en appui d’un côté et de l’autre ils ont nécessité la construction de murs d’appui. Ce système mixte est à rapprocher de ceux de Pompéi et Fréjus.
Sa dimension est de 126 m grand axe et petit axe 102 m.
En même temps que la cité, il fut abandonné au cours du III ème siècle car il se retrouvait hors des remparts de protection, que nous découvrirons très prochainement
Bientôt, cher lecteur, nous connaîtrons l’extension politique et religieuse de cette ville qui porte bien son nom, avec dès le deuxième millénaire ses édifices, ses monuments et la suite de son histoire qui, j’espère vous passionnera autant que moi…difficile de faire court sur le sujet...alors ? A bientôt !
Jean-Pierre