Soissons, une ville à découvrir 2/2 : sa Cathédrale
La Cathédrale de Soissons, nous évoque Notre Dame de Paris car son unique tour lui ressemble étrangement et parce qu’elle a su malgré sa destruction, par les bombardements, être reconstruite…
Nous voici dans une des six grandes cathédrales picardes. "Saint Gervais-Saint Protais"
La façade dissymétrique est incomplète, mais elle ne fut jamais achevée. La grande guerre l’a mutilée et elle a su renaître de ses cendres.
De style gothique (classique), nous la découvrons ci-contre
Voici la tour sosie de Notre Dame de Paris, côté sud et à sa droite, le jardin du haricot .
Le transept est élégant, le chevet qu’on peut voir du centre ville laisse apparaître les contreforts et les arcs-boutants qui soutiennent la partie supérieure.
Quelle histoire !
En 1175, l’évêque de Soissons fut l’instigateur de cette cathédrale bâtie sur d’autres cathédrales primitives.
Avant 1190 on réalise le chœur et le transept avec ses deux bras en hémicycle, mais pour continuer la nef, on décide de lui donner plus d’élan vers le ciel en adoptant un style nouveau, le gothique à trois étages. Elle sera achevée en 1230.
Entre 1230 et 1240, on construit la façade….
La Cathédrale est prête le 25 avril 1479.
Hélas en 1567 les protestants (Huguenots), la détruisent et saccagent des objets acquis au cours des siècles... Puis on la restaure !
On l’améliore en construisant des chapelles, on édifie un nouveau maître-hôtel.
Pendant la révolution de 1789, la voilà transformée en grange à fourrage, quel destin !
En 1799 la Cathédrale redevient lieu de culte.
Mais en 1815, une poudrière proche explose et détruit des vitraux, on la restaure à nouveau !..
Mais arrive la guerre de 14-18, la cathédrale est bombardée et bien ébranlée ! (heureusement, on avait démonté les vitraux, emballés et cachés précautionneusement.)
A la fin de l’année 1937, la Cathédrale est reconstruite et ouverte aux fidèles!
Entrons à l'intérieur :
Nous la découvrons d’un coup d’œil : 100 m de long, 24 m de large et entre 23 à 31 m de haut selon les parties.
Voici le vaisseau central.
Voici le chœur élancé vers le ciel: 31 m , avec ses colonnes en pierres calcaires des carrières de la région:
La contre allée et la grille du chœur : superbement décorée.
Sur la gauche du chœur :
Le transept nord, de style gothique rayonnant, sa voûte est aussi haute que celle du Chœur. Elle laisse apparaître une superbe rosace et un bel autel
C'est dans cette chapelle du Rosaire (photo ci-dessous) que nous découvrons l'oeuvre de Rubens, l'adoration des bergers, qu'il offrit en 1635 en remerciements de soins reçus à Soissons.
D'autres très grands tableaux :
La cène et
le lavement des pieds sont exposés,
mais on n'en connait pas l'origine.
Un autre tableau dans cette chapelle nous interpelle : Le Martyr de St Crépin et St Crépinien.
J'ai cherché le pourquoi cette illustration et je vous livre ma recherche:
Crépin et Crépinien, venus de Rome, étaient chrétiens et cordonniers à Soissons. Ils fabriquaient des chaussures pour les pauvres, qu'ils ne faisaient pas payer, et pour les riches qui appréciaient leur production.
En 285 , dénoncés comme chrétiens, ils ne veulent pas nier leur foi, L’empereur Maximien les fait alors torturer. (Légende : source Wikipédia) « on leur fit enfoncer des roseaux pointus sous les ongles, mais les roseaux jaillirent des mains des saints et vinrent blesser les bourreaux. On les précipita ensuite dans une rivière, avec une meule attachée à leur cou mais ils flottèrent à la surface sans se noyer. Puis l'empereur les fit jeter dans une citerne remplie de plomb fondu, mais une goutte de plomb rejaillit dans l'œil de l'exécuteur qui fut éborgné, tandis que Crépin et Crépinien en sortaient indemnes. Finalement, après qu'ils eurent résisté à plusieurs autres supplices, on les fit jeter dans de l'huile bouillante d'où deux anges vinrent les sortir... Crépin et Crépinien furent finalement décapités le lendemain."
Voilà pourquoi ces deux frères Saints martyrs sont les saints patrons des Cordonniers, Gantiers et Tanneurs
Dans une Chapelle une relique de St Crépin : son fémur.
Mais mon coup de cœur va au transept sud de style gothique primitif, sur le plan architectural.
Élévation sur quatre niveaux, les tribunes à 3 arcades et cette magnifique galerie ( triforium).
Dans une chapelle, nous découvrons un Gisant en marbre blanc du Christ.
Bien sûr, il en existe d'autres en France (Auray, Saverne...) mais cette représentation est particulièrement belle et nous expose un Christ apaisé qui semble dormir.
Toujours dans ce transept sud :
- Une statue de vierge en majesté romane déposée en 1940
- un beau baptistère en marbre
D'autres sculptures sont à citer, mêmes si elles ne m'ont pas séduites.
En premier, citons Saint Gervais et Saint Protais les jumeaux, à qui cette cathédrale est dédiée.
(Souvenez-vous, membres du réseau, que l'église à côté du BHV, place Lobau, leur est dédiée aussi)
Enfin,2 abbesses en marbre de l'époque Louis XIV pour vous accueillir à la porte d'entrée :
Henriette de Lorraine Delbeuf et Gabrielle de la Rochefoucault.
Quelques vitraux.
Face à la Cathédrale le presbytère, une jolie fontaine et la maison diocésaine (siège de la Gestapo pendant la guerre 39/40.
Je finirai par ces quelques photos de l'état de la Cathédrale à la fin de la grande guerre.
une partie de la voûte, des arc-boutants, des contreforts furent détruits , la tour, fut fendue .
Soissons se trouvait devant un chantier colossal, sans aide de moyens numériques.
Il fallut presque 20 ans pour la remettre en état.
C'est exceptionnel!
Nous ne pouvons que garder l'espoir pour Notre-Dame de Paris.
Ainsi se termine notre ballade à Soissons, espérant vous avoir distraits !
CD
Soissons, une ville à découvrir 1/2 : Mais qui a cassé le vase!
Besoin de sortir : Une petite sortie visuelle à Soissons, Ville de 28000 habitants, sympathique à découvrir et ses anecdotes...
Nous pensons tous à la célèbre phrase : « Mais qui a cassé le vase… » et bien.... suivez-moi...
Cette ville est entourée d’espaces verdoyants, champs et forêts Vous aurez plaisir à faire une petite ballade en forêt de Retz.
C'est une ville tranquille, comme on les aime!...
Cette ville existait déjà à l’Antiquité.
Étonnant ; elle devint le première Capitale des Francs en 486, grâce à Clovis après avoir gagné la victoire contre les Romains !
On retrouve en visuel, l’anecdote du vase. sur la place Fernand Marquigny, depuis 1935.
Mais, j'ai pu retrouver la version historique de l'Historien Grégoire de Tours et je vous la livre ci-après.
"Dans ce temps, l'armée de Clovis pilla un grand nombre d'églises, parce que ce prince était encore plongé dans un culte idolâtre.
Des soldats avaient enlevé d'une église un vase d'une grandeur et d'une beauté étonnante, ainsi que le reste des ornements du saint ministère.
L'évêque de cette église envoya vers lui des messagers pour lui demander que, s'il ne pouvait obtenir de recouvrer les autres vases, on lui rendit au moins celui-là. Le roi, ayant entendu ces paroles dit au messager :
« Suis-moi jusqu'à Soissons, parce que c'est là qu'on partagera tout le butin; et lorsque le sort m'aura donné ce vase, je ferai ce que demande le pontife. »
Étant arrivés à Soissons, on mit au milieu de la place tout le butin, et le roi dit :
« Je vous prie, mes braves guerriers de vouloir bien m'accorder, outre ma part, ce vase que voici » en montrant le vase dont nous avons parlé ci-dessus.
Les plus sages répondirent aux paroles du roi :
« Glorieux roi, tout ce que nous voyons est à toi, nous- mêmes, nous sommes soumis à ton pouvoir. Fais donc ce qui te plaît car personne ne peut résister à ta puissance. »
Lorsqu'ils eurent ainsi parlé un guerrier présomptueux, jaloux et emporté, éleva sa francisque et en frappa le vase s'écriant :
« Tu ne recevras de tout ceci rien que ce que te donnera vraiment le sort.».
A ces mots tous restèrent stupéfaits.
Le roi cacha le ressentiment de cet outrage sous un air de patience. Il rendit au messager de l'évêque le vase qui lui était échu gardant au fond du cœur une secrète colère.
Un an s'étant écoulé, Clovis ordonne à tous ses guerriers de venir au Champ-de-Mars revêtus de leurs armes, pour faire voir si elles étaient brillantes et en bon état. Tandis qu'il examinait tous les soldats en passant devant eux, il arriva auprès de celui qui avait frappé le vase, et lui dit :
« Personne n'a des armes aussi mal tenues que les tiennes, car ni ta lance, ni ton épée, ni ta hache, ne sont en bon état.» et lui arrachant sa hache il la jeta à terre.
Le soldat s'étant baissé un peu pour la ramasser, le roi levant sa francisque, la lui abattit sur la tête en lui disant :
« Voilà ce que tu as fait au vase à Soissons. » !
Celui-ci mort, il ordonna aux autres de se retirer. Cette action inspira pour lui une grande crainte. Il remporta beaucoup de victoires dans un grand nombre de guerres. …"
Ce bas relief se situe sur le monument aux morts que je préfère appeler Monument d’Histoire, car s'il porte la liste des morts, il évoque bien d'autres signes des temps. ( sur la place Fernand Marquigny au centre de la ville.)
En haut, 4 allégories portent une flamme
Au centre une femme ailée protège 2 poilus
Sur 2 angles des poilus, un Carolingien de l'an 923 défenseur de la ville et un homme avec un parchemin (1181 abolition des servitudes féodales)
Les autres bas reliefs présente Jeanne d’Arc
ou les Soissonnais en peur, pendant la guerre.
La dernière façade présente non photographiée, la commémoration des morts de la guerre 14-18.
Mais souvenons-nous, de la première Guerre Mondiale dont je vous ai parlé.
Ci-dessous le monument des anglais.
Les bombardements étaient incessants dans cette région, Soissons en subira les préjudices, car détruite aux trois-quarts.
La ville sera reconstruite laissant apparaître ça et là, des façades Arts-Déco.
Pour les gourmets : Il existe le fameux haricot de Soissons connus depuis longtemps.
En effet, pendant la guerre de 100 ans, (1337- 1453) , lorsqu’une terrible épidémie de peste (1349-1355) arrive, les Soissonnais s’enfuient rapidement, en emportant leur récolte… mais des graines tombent au sol et l’humidité du sol les fera germer. Ces haricots permettront de nourrir la population à leur retour !
Autre anecdote : Une légende d'un livre de Soissons : « Au siècle dernier, le guetteur de la Cathédrale, nommé le Paon, égaya le haut de la tour en semant des haricots. » Il surveillait la ville et les incendies. Comme il s’ennuyait, il sema dans des caisses des haricots . Ses plantations volubiles s’accrochèrent aux garde-fous de la Cathédrale. Les gens voulaient voir de plus près cette couronne de verdure en haut de ce lieu saint.
Il distribuait ainsi quelques graines aux touristes. Il disait avec humour : « Dieu créa la fleur et lui dit Sois Rose !... Il créa le haricot et lui dit Sois Son ! et va en Paix (Pets) »
Vous voulez en cueillir où en acheter en bocaux, pour un repas
ou pour l'apéro ... c'est original et très bon! : Haricot de Soissons apéritif harissa, au vinaigre de cidre et pommes, au piment d'Espelette, ail et fines herbes ou paprika et colombo.
Je vous recommande l'adresse : les jardins de Pontarcher à Ambleny, mais vous en trouverez aussi en ville!
A Soissons en dehors de la Cathédrale pour laquelle je vous dédierai un article, deux tours s’élancent dans le ciel, ce sont celles de l’abbaye Saint Jean des Vignes.
A côté l’Arsenal L'arsenal témoigne de la présence militaire .
Revenons, au centre près du monument aux anglais, on aperçoit la vieille église Saint Pierre qui a fait partie de l'abbaye Notre-Dame de Soissons. La 2e photo nous montre les ruines de l'abbaye.
Intéressant dans ce centre ville, un marché couvert bien actif le samedi où se mêlent sur les étals beaucoup de produits de la région ainsi que des volatiles.
Ancien Palais de l'intendance, de style néo-classique construit entre 1774 et 1775, il est devenu l'Hôtel de ville de Soissons en 1834. puis vous vous découvrez les berges de l'Aisne.
En parcourant la ville vous passerez devant l'abbaye St Léger.
Bien sûr la région Soissonnaise est le pays de la pomme de terre, des chips Vico, de la betterave et de ses fabriques de sucre! (Blé, orge...)
Vous découvrirez la vallée d'Automne, le château d'Alexandre Dumas, Notre-Dame du Lieu restauré, qui cache quelques mystères!....
Nous nous retrouverons prochainement pour visiter la Cathédrale et son quartier!
Profitez bien de cette sortie en photos...
CD
Aliénor d'Aquitaine et son divorce de Louis VII par Martine Mallein Leguedois
Martine et Gérard vous souhaite un excellent weekend de Pâques, malgré le confinement.
Petit repas sans doute amélioré, pour ce dimanche Pascal, après avoir célébré, pour les Catholiques la messe célébrée en Eurovision sur France 2, à 11 h, suivie de la bénédiction Urbi et Orbi par le pape François à 12 h.
Nous retrouvons donc ce récit historique d'Aliénor qui reprend le jour de Pâques...
LE DIVORCE DE LOUIS VII ET D’ALIENOR
Pâques, le 3 avril 1149 : adieu Jérusalem !
Le couple royal a rejoint le port de Saint-Jean d’Acre. Leurs nefs les attendent, mais ils ne partiront pas ensemble.
Ils rejoindront le Saint-Père qui les attend à Monte Cassino.
Le pape Eugène III (1145-1153), ancien moine cistercien, avait reçu de son ami, Bernard de Clairvaux, un courrier le félicitant pour son accession au trône de Saint-Pierre, soulignant qu’il devait être : « l’ami de l’époux, le tuteur de l’épouse, la règle du clergé, le maître d’école des ignorants, l’avocat des pauvres, l’espoir des malheureux… ».
C’est dans ce sens qu’il avait, avec une très grande sollicitude, reçu au Mont-Cassin, haut lieu de la Chrétienté, terre de Saint-Benoît, les deux époux lors de leur retour vers Paris. Il semblait les avoir réconciliés.
De retour en France, où l’abbé Suger (1081-1151) surnommé par Louis VII « le père la Patrie » avait pendant deux ans assuré la régence en absence du Capétien. Le couple royal reçut le meilleur accueil au Palais de l’ile de la Cité, en novembre 1149. L’abbé a cherché à rajeunir la vieille demeure pour répondre au désir d’Aliénor.
La princesse Alix de France naît en 1152, mais rien n’est gagné.
Suger ne veut pas entendre parler de ce divorce, mesurant les conséquences qu’une telle décision aurait sur le devenir du royaume franc, la reine récupérant alors tous les fiefs qu’elle avait apportés dans sa dot et annulant ainsi l'influence des Capétiens dans la France méridionale.
La partie occidentale du royaume, soit environ un tiers de sa superficie, allait être perdue!
Il tente d'en dissuader le roi. Ce n'est qu'après la mort de Suger en 1151 que Louis VII met son idée à exécution s’en rapportant à l’archevêque de Paris.
Il faut chercher à mieux comprendre le caractère de Louis pour expliquer sa décision.
D’une part, il est le deuxième fils de Louis VI et d'Adélaïde de Savoie.
-Il a reçu une sévère éducation religieuse, élevé dans le cloître de Notre-Dame de Paris.
-A la mort de son frère aîné, Philippe, en 1131, tué accidentellement dans les rues de Paris, après avoir été désarçonné de son cheval par un cochon traversant inopinément la chaussée, il est sacré immédiatement roi et couronné, à Reims, dès le 25 octobre 1131, par le pape Innocent II.
-Plus tard, en 1137, à la mort de son père, il sera couronné roi de France, à Bourges. Voulant asseoir l'autorité royale, il s’appuie principalement sur les évêques, ce qui faisait dire à Aliénor qu’elle avait épousé : un moine !
D’autre part, les folles rumeurs qui avaient couru sur un possible amour charnel entre Aliénor et son oncle, Raymond de Poitiers, largement diffusées par l’évêque, historien de la Croisade, particulière mauvaise langue, Guillaume de Tyr, n’ont pu qu’humilier profondément l’homme dans sa chair et l’homme pieux dans les principes religieux qu’on lui avait enseignés et par conséquent l’amener à cette idée d’annulation de son mariage.
21 mars 1152, le second concile de Beaugency
Le concile se déroule dans l’église abbatiale Notre-Dame, située tout à côté de l’austère château, dominant la Loire. Pourquoi ce lieu, il semblerait que Beaugency ait été spécialisé dans les problèmes matrimoniaux, cas du grand-père de Louis, Philippe ler.
Sous l’autorité suprême de l’archevêque de Bordeaux, le concile rassembla nombre d’évêques du royaume ainsi que les principaux barons du côté laïc, pour statuer sur le sort de ce mariage mal assorti.
Une faille avait été trouvée motivant la désunion, la consanguinité : l’arrière-grand-mère d’Aliénor, Audéarde de Bourgogne, était la petite-fille de Robert ler le Pieux, arrière-arrière-grand-père du roi (au 5e degré).
Le verdict décisif : l’indissolubilité du mariage résultait des réformes du pape Grégoire VII, pour la séparation des époux : « l’impedimentum cogniationis », c’est-à-dire l’empêchement de parenté permettant l’annulation du mariage.
Ci-dessus l’abbatiale, extérieur et intérieur. A l’intérieur une plaque commémorative du concile
Au moment de la délibération, Aliénor reste dans le sombre château de Beaugency, Ce n’est pas la grande flambée qui pétille dans la cheminée de la salle austère où la reine attend qui va réchauffer son âme glacée. Elle joue un moment important de sa vie.
Les 15 ans de mariage avec Louis vont être gommés, malgré les deux filles qu’ils ont eues. Apparemment son ambition, sa forte personnalité, l’ont conduite à cette décision finale.
On vient lui annoncer la nouvelle, rapportée par Boucher, dans les Annales d’Aquitaine : « Ils en prirent la charge à grand regret car bien savaient que la chose serait fort déplaisante à la pauvre reine, laquelle incontinent qu’elle en fut par eux avertie tomba évanouie d’une chaise où elle était assise et fut plus de deux heures sans parler pouvoir pleurer ou desserrer les dents » (Château de Beaugency, donjon ci-contre).
Peut-on le croire, car l’ambitieuse duchesse savait dès lors qu’elle pouvait épouser rapidement Henri Plantagenêt, l’héritier du trône d’Angleterre.
Elle semble avoir quitté ses deux filles sans avoir montré un réel chagrin. Quant au roi qui lui reprochait de ne pas lui avoir donné un héritier mâle, de sa troisième épouse, Adèle de Champagne, il aura comme successeur, Philippe-Auguste en 1165.
Et maintenant, le Mariage, très vite avec Henri Plantagenêt, futur roi d’Angleterre ! C’est une autre histoire.
Martine reviendra vers nous à l'automne pour la suite de cette belle histoire!
J'avoue que cette femme Aliénor m'interpelle . Depuis le Concile de Paris en 829, l'église interdit à un homme d'épouser une autre femme en dehors de la non consommation sexuelle du mariage.
Aliénor étonnante possède des pouvoirs étendus à l’égal d'un homme. Elle administre sa maison, ses domaines et ses terres. Elle participe avec d'autres femmes de son entourage aux croisades, comme guerrière, on la retrouve au Siège de St Jean d'Acre. Elle trouve le moyen de divorcer...
Elle va à l'encontre de l'image médiévale qu'on en imagine où la femme de la Chanson de Geste attend son amour chevaleresque, ôte l'armure de son chevalier, soigne ses plaies et s'occupe de la famille.
La réalité féminine d'Aliénor est surprenante, par les libertés qu'elle prend; Ne faudra-t'il pas attendre la révolution Française , pour parler de réforme du mariage et pour que la femme puisse jouir de ses biens propres.
Je suis étonnée de ne pas avoir trouvé Aliénor, dans les deux tommes du Féminisme Français que mes collègues du rayon MN m'offrirent à un anniversaire... pour me taquiner. ( Clin d’œil à Myriam, Martine, Raoul et Jean-Claude).
Joyeuses fêtes de Pâques!
Prenez bien soin de vous
Christine D
ALIENOR D'AQUITAINE et la deuxième croisade par Martine Mallein-Leguédois
La semaine sainte débute le dimanche des Rameaux 5 avril et se termine le dimanche de Pâques 11 avril où les Chrétiens célèbrent la résurrection de Jésus. Cette période est très différente des autres années.
Les familles ne se retrouveront pas et pourtant chacun dans son foyer, en maison de retraite ou seul à la maison aura une pensée pour ceux qu’ils aiment.
L’après confinement sera différent d’hier et on peut espérer que les vraies valeurs reprendront place pour l’humanité : La famille, la fraternité, la sagesse, la patience et la foi.
Martine Mallein nous livre un deuxième épisode sur la deuxième croisade. Cette épopée narrée par Martine agrémentée de l’histoire de la belle Aliénor, a toute sa place cette semaine.
Voici les Croisés en marche pour Jérusalem...
Nous sommes ravis de retrouver notre historienne Martine Mallein et la remercions.
Ceux qui ont manqué le premier article du 16 janvier, peuvent le lire en ouvrant le lien ci-dessous.
LES CROISES EN ASIE MINEURE
(Deuxième croisade)
19 mars 1148 : ANTIOCHE, le renoncement
Après la décision du roi d’éclater ses troupes en deux directions différentes, abandonnant les plus faibles au comte de Flandre et à Archambault VII de Bourbon qui seront massacrés par les Turcs, de Chypre, les plus vaillants partirent sur plusieurs nefs, emportant Louis et Aliénor.
Ils mouillèrent enfin avec les chevaliers et les troupes d’élite à Saint-Siméon, port d’Antioche.
Une grande animation régnait dans le petit port. En pénétrant dans la ville, les uns et les autres furent frappés d’admiration. Ils découvraient une ville éblouissante avec sa cathédrale Saint-Pierre[1], les dômes de ses multiples églises, ses monastères, ses riches demeures, des thermes, des fontaines, des jardins aux plantes finement odorantes.
Un peu d’histoire
Antioche, sur la rivière l’Oronte, avait été créée vers 300 avant JC. C’était une ville clé, sur la route de la soie qui rattachait principalement Xi’An (en Chine) à Antioche...charnière entre l’Anatolie, la Mésopotamie et la Judée.
Conquise par les Romains à partir de 64 av JC, elle fut la capitale de la province de Syrie.
A partir de 614, les Perses Sassanides s’en emparèrent, la transformèrent et l’embellirent. Elle fut surnommée la « Couronne de l’Orient ».
Le 2 juin 1096, (première Croisade) après un siège de 8 mois, Godefroy de Bouillon et ses Croisés enlevèrent la ville. Le frère de Godefroy, Beaudoin devint le ler comte d’Edesse.
Ci -contre Antioche : église primitive
Épuisés, les chevaliers laissant beaucoup de morts sur le terrain, vont rester une dizaine de jours à Antioche, accueillis par Raymond de Poitiers, prince d’Antioche, l'oncle d’Aliénor d'Aquitaine et sa très jeune épouse, Constance[2].
Aliénor est émerveillée, après des mois de peur, de sang, elle jouit pleinement des fêtes données par son oncle en leur faveur.
Elle retrouve sa cour d’Aquitaine, car autour de Raymond sont regroupés en majorité des Croisés aquitains et poitevins. Ce sont des explosions de joie, des rires, mais aussi un relâchement général après la tempête, des beuveries, des danses, des chants, la débauche.
Dans les frais jardins dominant l’Oronte, Aliénor retrouve son oncle.
Une amitié peut-être trop tendre les réunit. Ils ne se quittent plus. Il a 50 ans, elle en a 25. Tous deux parlent politique et stratégie pour reconquérir le comté d’Edesse et cherchent à convaincre Louis VII.
Celui-ci rejette les précieux conseils de Raymond de Poitiers, de passer à la contre-attaque de Nûr-al-Dîn[3]. Il préfère continuer son pèlerinage vers Jérusalem bien que la ville ne soit aucunement menacée.
Les époux royaux ne s’entendent plus. Aliénor, légère et dissipée, s’amuse de toute évidence.
Dans une atmosphère et un chaud climat sensuel, Aliénor a-t-elle eu une aventure avec son oncle ? Guillaume de Tyr, va insidieusement rapporter des médisances sur le couple.
Le roi, dépité et courroucé, peut-être jaloux, renonce à reprendre le comté d’Edesse et décide de se rendre à Jérusalem pour accomplir le pèlerinage qu’il s’était imposé et exige d’Aliénor de le suivre.
Elle refuse, pensant qu’il ne devrait pas délaisser Edesse, il l’enlève, une nuit !
Avril 1148 : Enfin Jérusalem
Louis VII y retrouve Konrad et est accueilli par la reine Mélisende et son fils Beaudoin III.
Une armée languedocienne arrive à Acre avec à sa tête Alphonse Jourdain, comte de Toulouse, qui sera empoisonné dès son arrivée, affaire de jalousie.
<--- Le Saint Sépulcre –
De Tibériade en allant vers la Mer Morte
- 24 juin 1148 : Assises d’Acre, dissensions entre les Croisés occidentaux et les barons de Jérusalem discutant sur l’occupation des armées stationnées à Jérusalem.
- 24 juillet 1148 : Attaque du seul allié des Croisés, le régent de Damas, Nahr al-Sâbiran. Abandon de la position stratégique de la Ghouta (oasis proche de Damas). Le siège de Damas est levé.
- 28 juillet : retraite des Francs vers Jérusalem.
- Début septembre 1148 : embarquement à Acre, départ de Konrad III qui rejoint Constantinople.
- Pâques 1149 : départ de la Palestine de Louis VII et d’Aliénor, restés sur place comme pèlerins, visitant les lieux Saints et les églises. Ils prendront le chemin du retour en empruntant deux navires distincts.
La galère d’Aliénor sera capturée par des navigateurs byzantins lors d’une bataille engagée entre Roger II de Sicile et le Basileus, Manuel Comnène.
Conclusion
Cette croisade souhaitée par Louis VII, dont il était le chef avec le germanique Konrad III ne fut pas une réussite. Elle s'acheva en 1149 par un échec total pour les Croisés, qui rentrèrent sans avoir remporté de victoire militaire en Orient, abandonnant aux Turcs le comté d’Edesse sans avoir cherché à le reprendre aux Turcs.
Le comportement du souverain franc peut être qualifié comme celui d ’un « roi pèlerin » qui n’avait pour objectif que d’expier son péché après avoir occis la population de Vitry-en-Champagne. Aliénor prétendait, elle, avoir épousé « un moine » !
Lois VII ne s’impliqua pas dans les affaires politiques de Jérusalem et laissa se dégrader les relations entre les barons syriens et occidentaux.
Quant à son couple, l’homme pieux s’était détaché de son épouse, trop volage, chacun souhaitant divorcer.
[1] Saint-Pierre a vécu 7 années à Antioche dont il fut le premier évêque. Une fête de « la chaire de Saint Pierre à Antioche » est célébrée le 22 février depuis le IVè siècle.
[2] Il épousa en 1136 Constance âgée de 10 ans, fille et héritière de Bohémond II et d’Alix de Jérusalem
[3] Zengy, dignitaire de Mossoul (1127-1146) et d’Alep (1128-1146)
Nour ad Din, son fils, qui décapitera Raymond de Poitiers et rapportera sa tête dans un panier , le 30 juin 1149.
Aliénor est à la fois une reine influente et opiniâtre, et de l'autre côté elle incarne la femme libre, séductrice, intelligente et cultivée. Son charme et sa beauté inspireront de nombreux historiens. Elle fut aussi mère de 8 enfants : 2 avec le roi de France et 6 avec le roi d’Angleterre, dont le plus célèbre sera Richard (Cœur de lion)
Bien sûr, nous retrouverons Martine Mallein pour un 3éme chapitre dans quelques temps avec le divorce d'Aliénor.
Bravo, pour ce récit riche en recherche historique et très intéressant.
CD