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Le blog du Réseau Bazar BHV

Joyeux Noël

25 Décembre 2022 , Rédigé par Les federateurs du reseau Bazar Publié dans #Fêtes ou Saisons

Avec cette crèche toute simple de Notre-Dame de la Croix , nous vous publions un récit très émouvant d'un Noël des années 50 .

A tous, nous vous souhaitons un Joyeux Noël.

Sachez que nous sommes avec vous, en cette belle journée par la pensée.

Notre Dame de la Croix Paris ( Photo Bernadette B)

Notre Dame de la Croix Paris ( Photo Bernadette B)

Récit d'Antoine Eminian.

Un Noël d’autrefois

Paris dans le milieu des années 1950. J’habite rue Richer avec mes parents et ma petite sœur, à équidistance des Folies-Bergères et de la grande Loge Maçonnique de France, rue Cadet, où ma mère fait son marché. Autant dire entre les plumes dans le fion et le compas dans l’œil, tout un programme ! Bref, passons…

Nous sommes en décembre, Noël approche;  mon cœur se réjouit, un sentiment qui perdurera toute ma vie, aujourd’hui encore à cette époque de l’année.

La Ville Lumière se pare de ses plus belles guirlandes lumineuses, les magasins se plaisent à se faire beaux, l’or, le rouge et le vert mettent l’unisson chromatique un peu partout.

Moi, j’ai déjà écrit ma lettre au Père Noël, adressée « Route du Ciel », seule adresse connue du vieux gars barbu.

Il a eu la délicatesse de me répondre, un mot court, écrit d’une grosse écriture au crayon de couleur gras. Pour le remercier, à l’approche de la nuit tant attendue, ma mère dispose sur la table de la cuisine, sous le vasistas d’où Papa Noël devrait entrer chez nous, une assiette de biscuits et un verre de vin rouge, un léger en-cas auquel il fera honneur, comme nous le constaterons le lendemain matin.  

Pour l’heure, dans l’ombre, mon père s’active. Au grenier, à l’abri de mes regards, lui qui ne bricole pas, va réussir le tour de force de me construire le fort où je pourrais disposer mes petits soldats et Indiens, ma commande de Noël, afin d’y rejouer les westerns lus dans mes bandes dessinées de l’époque.

Les jours passent, la tension monte, l’école m’occupe l’esprit. Là aussi nous nous sommes mis à l’heure festive, nous dessinons des paysages de sapins enneigés, des chaumières qui fument, des étoiles filantes dans les cieux…

A la maison ça s’accélère. Nous avons acheté le fameux sapin, celui qui sent bon mais qui perd ses aiguilles dès qu’il a chaud, le seul modèle en ce temps-là. Et chez nous, il avait vite chaud.

Le logement sous les toits est minuscule, la pièce unique est chauffée par un poêle à charbon qui ronfle quand on y jette la pelle de coke ; gare aux étincelles !

Ma mère réfléchit au repas de fête qu’on dégustera en famille le 25 décembre.

Déjà la rue Cadet et ses commerçants nous préparent aux agapes, les volailles pattes entourées d’un cornet de papier frisotté coloré pendent aux devantures des marchands, les lièvres à leurs côtés confirment la saison ; les charcutiers ne savent plus où empiler leurs mètres de boudin, les poissonniers sortent leurs bourriches d’huîtres et prennent les commandes, les traiteurs font gargouiller mon ventre à la vue de leurs préparations salivantes, les pâtés sont pour l’occasion pistachés ou truffés, les vol-au-vent se tassent dans leurs plats, les pâtisseries ne sont pas en reste, les bûches tout en beurre et crème, plantées à leur sommet de petits personnages en plastiques que je récupérerai à la fin du déjeuner comme de précieuses reliques, préfigurent des fins de repas caloriques, je dis ça aujourd’hui mais je ne suis pas certain que le mot « calorie » existait à l’époque ?

Dans son fauteuil, le grand-père chevrote à pleins poumons du Tino Rossi et du André Dassary...

Et pour ceux qui avaient encore une place pour d’autres gourmandises sucrées, La Mère de Famille, la célèbre enseigne, avait sa boutique à deux pas de chez nous.

Mon Dieu, ces repas ! Dans ces années-là, on savait ce que manger voulait dire, on ne chipotait pas son bout de salade du bout de la fourchette, le gras et le sel ne nous affolaient pas, la quantité rimait avec la qualité.

Quand j’y repense aujourd’hui, je me demande comment nos estomacs pouvaient ingurgiter toute cette nourriture. Un vrai repas c’était, entrée, plat, fromages et salade, dessert ! Alors un repas de fête, je ne vous dis pas… Autre temps, autres mœurs.

Et puis un jeudi, nous y sommes allés. A l’époque, c’était le jour où nous n’avions pas école, alors maman nous a emmenés, ma sœur et moi, voir les vitrines des Grands magasins. C’est à dire boulevard Haussmann où le Printemps et les Galeries Lafayette régnaient déjà en maîtres sur la féérie de fin d’année.

De notre rue Richer nous avons rejoint les Grands boulevards en remontant la rue du Faubourg Montmartre, sommes passés devant les locaux du journal L’Equipe – quand j’y reviendrai bien plus tard, ce sera Le Palace qui attirera les foules.

A l’approche des magasins, les gamins emmitouflés dans leur duffle-coat, l’écharpe sur le nez et le bonnet sur le crâne, se font plus nombreux.

Les marchands de marrons chauds se répartissent le territoire, ça sent bon mais ça brûle les doigts quand il faut les dépiauter pour les manger, une souffrance qui les rend meilleurs encore ! En tout cas cette délicieuse odeur nous rince les narines de celle dispensée par la vespasienne, édicule en métal vert, croisée quelques centaines de mètres plus tôt…

Enfin, les vitrines. Imaginez la magie enchanteresse que c’était alors, pour nous les enfants qui ne découvririons la télévision que quelques années plus tard. Notre monde d’alors n’était que radio ou nos pauvres petits magazines de Mickey…

Chaque vitrine était un monde, un chemin de Croix de joie, qui nous laissait bouche bée. Il fallait se démener pour accéder au plus près des vitres mais ça en valait la chandelle : couleurs, luxe, lumières, nous en prenions plein les yeux et seuls nos cadeaux à venir pourraient en estomper le souvenir. Pour parachever la sortie, quand c’était possible, une photo en Noir et Blanc, assis sur les genoux du Père Noël prouverait que tout cela n’était pas un rêve.

Finalement le Père Noël est passé dans la nuit sans que je l’entende.

Il a disposé les paquets au pied du sapin, au matin ma sœur et moi avons déchiré le beau papier-cadeau et les rubans, nos commandes avaient été honorées.

Nous n’avions que peu de temps pour profiter de nos nouveaux jouets, il fallait vite tout ranger, faire de la place, décorer la table du repas pendant que maman se débattait en cuisine, les invités aller arriver, la fête aller commencer…

Vivement la semaine prochaine, qu’on fête le Jour de l’An !

 

 

Merci Antoine pour ce récit si agréable à lire, qui rappellera à beaucoup des souvenirs.

Ce texte est superbement rédigé et nous pouvons bien imaginer les différents tableaux.

La génération suivante pourra imaginer facilement ce Noël des années 50....

CD

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A
Ce récit est un enchantement, pour la magie de Noël que tu nous fais partager merci Antoine et bonne fin d'année.
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A
Merci et bonnes fêtes à toi aussi. Antoine