Harlem Shuffle un livre présenté par Antoine Eminian
28 Avril 2023 , Rédigé par Les federateurs du reseau Bazar Publié dans #Livres et poésies
C'est toujours avec plaisir que nous pouvons suivre les recommandations et les critiques littéraires d'Antoine.
Il vous propose un très bon roman dans l'atmosphère d' Harlem des années 60.
Je vous laisse découvrir.
Merci Antoine.
Colson Whitehead : Harlem Shuffle
Arch Colson Chipp Whitehead, né en 1969 à New York, est un romancier américain. Il fréquente la Trinity School de New York puis est diplômé de l'université Harvard en 1991. Journaliste, ses travaux paraissent dans de nombreuses publications comme The New York Times ou The Village Voice.
Il est un des rares écrivains à remporter deux fois le Prix Pulitzer pour des fictions, en 2017 pour Underground Railroad et en 2020 pour Nickel Boys. Son nouveau roman et premier volet d’une trilogie, Harlem Shuffle, vient de paraître.
New York et plus précisément Harlem en 1959. Ray Carney, marié et père, tient un magasin de meubles et d’électroménager.
Le couple vivote et Carney sans être un voyou est un peu filou, revendant parfois des articles « tombés du camion ». Une vie relativement tranquille, s’il n’avait son cousin Freddie, un garçon pas très sensé, toujours mêlé à des embrouilles et petits trafics illégaux. Et ce cousin qui déboule chez Carney, le prévient qu’il va réaliser un casse dans l’hôtel le plus chic de Harlem et que lui, Carney, sera leur receleur ! Lequel commence par refuser mais n’ayant jamais su dire non à son cousin depuis leur prime jeunesse, finit par accepter…
Le roman est découpé en trois parties : trois époques 1959, 1961 et 1964 et trois histoires qui pourraient être distinctes s’il s’agissait de nouvelles mais qui ici ne sont que la continuité participant à l’évolution de Carney.
Bouquin assez malin pourrait-on dire, très à l’image de Carney. Ca ressemble à un polar avec un cambriolage puis une arnaque suivie d’une vengeance, sur un ton tranquille avec un soupçon d’humour, bien pépère donc. S’il n’y avait que ça, ce serait gentillet sans plus. Heureusement Colson Whitehead voit plus grand.
Tout d’abord, son livre est une fresque du Harlem des années 60 écrite avec beaucoup d’amour et de précisions. On s’y balade comme avec un casque de réalité virtuelle, les noms des commerces, des salles de spectacle (l’Apollo), les personnalités connues de l’époque pour la face rose (!) du quartier ; quant à la face plus sombre, ce sont les combines des uns et des autres pour survivre, les pots-de-vin aux gangsters et aux flics, la pègre, les violences policières, les émeutes et les mouvements pour les droits civiques etc.
Et au milieu de ce tourbillon, notre Carney qui va tranquille son bonhomme de chemin, discret, ne faisant pas de vagues mais néanmoins opiniâtre, développant son commerce de meubles, gravissant petit à petit les échelons sociaux pour emménager dans un logement plus décent pour sa petite famille qui s’agrandit et satisfaire son épouse issue d’une famille aisée, alors que son passé familial à lui était bien moins favorable avec un père malfrat. Ce qui nous vaut un autre sujet abordé dans le roman, les liens familiaux, que ce soit avec ses beaux-parents (différence de classe) ou ceux avec son cousin (liens du sang, à la vie à la mort).
Un très bon roman, proche du polar mais sous des abords tranquilles, très riche par contre en peinture sociale de l’époque.
« Un prédicateur déclama : « Je suis venu pour le salut de votre âme ! » en levant les bras comme s’il cherchait à écarter les flots. Un peu plus loin, deux vendeurs de journaux se battaient pour une place devant un magasins de cigares. Ils en firent tomber leurs feuilles de chou, qui s’ouvrirent sur le trottoir et frémirent sous le pot d’échappement d’un bus. Carney plissa les paupières. Un carrefour semblable à toux ceux de cette ville, peuplé de personnages bruyants et furieux qui avaient chacun leur camelote à vendre et débitaient des argumentaires éventés pour tenter de fourguer à des clients qui de toute manière n’avaient pas un rond. »
Colson Whitehead Harlem Shuffle Albin Michel - 420 pages -
Traduit de l’américain par Charles Recoursé
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