Mémoires : Le BHV à travers l'Histoire n°34 La France de 1921 et la vie de Pauline Ruel Becker
Aujourd'hui cet article est un peu long, mais il est important de rentrer dans la vie que fut; celle de Madame Pauline Ruel. Prenez le temps de le lire jusqu'au bout! vous serez surpris !
CD
Le 8 avril 1921, le journal " l'Humanité" passe aux mains du nouveau parti communiste. jusque là, c'était un Journal Socialiste fondé par Jaurès.
Le 8 octobre s’ouvre le 16e salon de l’automobile au Grand Palais.
Un recensement de la population française en avril dénombrera
39,210 millions habitants!
Le Procès de Landru défie toutes les chroniques, à l'automne;
Comment ce personnage a t'il pu tuer, une dizaine de femmes, pour voler leur fortune?
Il sera guillotiné le 22 février2022
Le 25 septembre, un incendie très important se déclare au magasin du Printemps.
Nous en parlerons prochainement.
Les autres grands magasins se portent bien.
Le Bazar de l’Hotel de ville…
La situation du Capital fut modifiée en juin 1920 comme suit :
Le Capital de 11 millions est porté à près de 30 millions de F faisant suite à l’apport pour la somme de 19 millions, de plusieurs immeubles où sont situés les fonds de commerce et divers service du BHV.
Ce capital appartient à savoir aux commanditaires pour :
Mme Veuve Becker 48,8%, Mme Viguier Alice épouse Tissot Henri pour 16,8%,
M Boulot Gabriel pour 0,85%, Mme Viguier Hélène épouse de Gabriel Boulot : 15%.
Aux associés gérants : M Viguier Henri pour 16,8% et Messieurs Lillaz Henri et Paul pour 0,85% chacun.
Retrouvons la folle histoire de la fille de Xavier Ruel : Pauline Becker et découvrons qui est ce gendre : Henri Lillaz.
C’est un homme puissant politiquement, bien placé auprès des cabinets ministériels. Il a créé un journal : « Oui » devenu « l’Avenir » ; on le retrouve en 1921, dans l’industrie du sud-ouest, où il fonde, avec ses frères, la société des forces motrices de la vallée d’Aspe, (les 3 frères avaient fait creuser entre 1908 et 1912, la partie française du tunnel du Somport.) Là aussi, on lira dans un journal industriel de l’aventure de l’hydroélectricité qu’ils ont du mal à préjuger de leurs capacités financières.
Henri Lillaz est un homme qui s’éparpille, mais ne mène jamais à bien ses projets.
Les deux frères cogérants, Paul et Henri, ont été jusqu’à faire séquestrer Pauline Ruel-Becker, leur belle mère, en février 1920. Ils souhaitaient la faire passer pour folle afin de l’empêcher d’épouser un de ses filleuls de guerre Pierre Camille Laveau et surtout garder la main sur les affaires du BHV en l’évinçant.
Pauline-Eugénie Ruel veuve Becker a 66 ans, elle habite à Auteuil au 32 rue Chardon Lagache.
(Source : Plaidoirie de Maitre Zevaès du 12 07 1922)
« N’est-ce pas vraiment une chose singulière qu’à l’époque où nous vivons de tels faits aient pu se produire. Est’ il possible de s’imaginer qu’en 1920 à 11h du matin, en pleine lumière dans une ville comme Paris, dans ce quartier d’Auteuil… Une femme de 66 ans, sortant de chez elle ait pu être empoignées dans les mains de six individus, poussée dans une automobile et conduite dans une maison de santé où elle devait être séquestrée ? Cette tentative d’enlèvement échouée a été renouvelée trois mois après en plein après-midi au Palais de Justice, sur les marches du Palais.
Après l’avoir enfermée, les deux frères vont jusqu’à lui voler son journal intime, violer sa maison, espionner ses conversations téléphoniques ; Ils achetaient la justice et le silence de la presse. »
Cette même presse qui finira par comprendre et dira de Pauline Becker :
« L’inouï calvaire gravi par la pauvre Madame Becker est bien une des pages les plus dramatiques que pourra jamais concevoir un romancier. Car se représente-t-on l’angoisse de cette âme, seule au monde, trahie par les siens….. »
Enfin Henri Mornard avocat au conseil d’Etat déclama:
« Et si le père de Madame Becker possédait un établissement commercial (le Bazar de l’Hôtel de Ville à Paris) qu’il avait créé et dont le développement et la prospérité allaient croissants, il se montrait peu large, au moins au début …Toutefois, après quelques années madame Becker est entré dans le Haut-Personnel de cet établissement (aux appointements de 4000F par mois). Monsieur Ruel père est décédé en 1900, laissant outre sa fille Madame Becker, une autre fille Madame Viguier décédée en 1914… Les deux frères Lillaz sont entrés à leur tour dans l’administration du Bazar de l’Hôtel de ville.
Madame Veuve Becker a fait usage de sa fortune dont une notable part a été consacrée aux œuvres charitables et notamment à des secours ou don, distribués aux soldats et aux blessés. »
Le 23 juillet 1920 passe au Tribunal, une demande en Interdiction, afin d'empêcher son mariage avec Pierre Camille Laveau (33ans), à la demande de ses enfants et gendres.
Décembre 1920 : La Presse se déchaîne
Le courrier Français : Georges Anquetil écrivait :
Séquestration de leur belle-mère multimillionnaire par les Directeurs du Bazar de l’Hôtel de Ville.
L’infamie des Lillaz- Leur situation désespérée.
On peut y lire :
« L’émotion provoquée par nos révélations a été considérable, on le conçoit.
En vain, les misérables démasqués et traqués, ont-ils fait illégalement arrêter nos crieurs : ils ne pourront désormais arrêter aussi aisément la marche de l’immanente justice. En vain, ont-ils aussi fait acheter et rafler partout les exemplaires de notre dernier numéro…. En vain ont-ils acheté le silence de la Grande Presse, si petite par sa vénalité : ils ne sont pas maîtres des langues et l’ampleur de leur crapulerie comme l’horreur de leur crime en facilitent, en hâtent et en expliquent la rapide diffusion dans une cité comme Paris, où le scandale sensationnel éclate et se répand à la vitesse d’une « traînée de poudre »….
Voici le texte du journal
« - en attendant, nous demandait un magistrat impartial, quelle est la situation de Madame Pauline Becker ?
Elle est dans son hôtel particulier d’Auteuil, libre de ses mouvements en principe, bien qu’espionnée sans cesse, mais Interdite, c’est-à-dire qu’Elle n’a pas plus le droit de disposer de sa personne que de sa fortune.
Mais alors en ce moment qui administre sa fortune ?
Les Lillaz.
Ils ont donc été nommés à cet effet par le jugement d’Interdiction ?
Nullement ! Les juges ayant oublié de désigner un tuteur !....
Mystère ! Ce qu’il y a de certain c’est que les Lillaz touchent actuellement, grâce à ce qu’ils ont fait passer leur belle-mère pour folle, ses trois millions de revenus et qu’ils ont par conséquent intérêt à ce que cela dure le plus longtemps possible…..
Au surplus pourquoi les Lillaz à qui leur part dans le BHV devrait suffire largement, veulent-ils tant d’argent ?
Parce que :
1 Les affaires de Paul vont mal….
2 Henri le Jouisseur a dû emprunter 15 millions à la Banque Nationale de Crédit, voilà où l’ont conduit les femmes, les courses, la noce et le jeu…Il ne peut plus survivre aujourd’hui que grâce à l’argent qu’il vole à sa belle-mère….La seule solution pour les Lillaz-en fleur-fanée était dans la suppression pure et simple de Me Becker, et ils l’ont envisagé.
-oh, il me semble que vous allez peut-être un peu fort !
Pas-assez voulez-vous dire : car ils ont froidement exécuté un plan :
Une première fois, c’était la veille du jour où me Becker fut enlevée de l’étrange maison de santé du Vésinet, par son avocat, Elle fut secrètement prévenue de ne pas se laisser faire les mystérieuses piqûres….La seconde fois, c’était à Hautefeuille dans une de ses plus belles propriétés de Seine & Marne ou Madame Becker et ses convives présentèrent des symptômes d’empoisonnement….
C’est simplement effroyable, répondit notre ami.
Ah ! Oui c’est effroyable ! Et l’inouï calvaire gravi par la pauvre Madame Becker est bien une des pages les plus dramatiques que pourra jamais concevoir un romancier…. C’est avec son argent à Elle que ses sinistres bandits de gendres ont poursuivi toute leur ignoble machination, ont acheté les complicités, ont payés les certificats de complaisance (demandant aux médecins de la faire passer pour folle) et princièrement réglé l’armée de la basoche.
….. Il n’aura servi à rien de fracturer le coffre-fort de cette malheureuse, de lui voler son agenda intime, son recueil de pensées, de violer sa maison, d’espionner ses conversations mêmes téléphoniques, de tout tenter pour la rendre vraiment folle, puisque demain l’expertise va proclamer avec la parfaite lucidité d’esprit de cette martyre, l’infamie des Lillaz et des médecins qu’ils ont rencontrés, assez crapuleux …
Alors ce jour prochain, ce sera l’écroulement, car ce sera d’une part la flétrissure publique et de l’autre la constatation de la dilapidation de l’argent volé…..
Ainsi finira ce bluff de financiers à noix, de journalistes à la manque… »
Pauline se remariera une troisième fois, le 23 juillet 1921 avec Paul Laveau, un de ses filleuls de guerre qui la soutiendra et l’aidera dans cette période difficile. Elle écrira un livre pour expliquer ce qu’elle a vécu : « L’interdite ». en 1923.
Dans une plaidoirie de juillet 1922,Albert Bourgoint déclame :
« Mme Becker est préoccupée du bien qu’elle peut faire, elle a hérité d’une fortune considérable…. Elle a des filleuls dans les camps de prisonniers, elle en a qui sont dans les tranchées ; Elle correspond avec eux ; elle leur envoie à tous de l’argent, des lettres réconfortantes et des colis. Elle cherche, Messieurs par tous les moyens à ; leur remonter le moral et c’est ce qui va déclencher contre Madame Becker, les colères de ses enfants… »
Dans cette même période May Becker, une des deux filles de Pauline, May,se séparera de corps et de biens, de son mari Henry Lillaz.
Nous venons de vivre une partie mouvementée de la fille du fondateur … et nous suivrons encore quelques rebondissements, par la suite.
CD