Mémoires : Le BHV à travers l'Histoire n°101 : L'année 1972 3/4 Des anciens Services : Casage et BDN
Des anciens Services : Casage et BDN
Vous souvenez-vous du Casage? Ce mot "Casage" ? Curieux, non ?
Ce service disparu depuis longtemps nous est raconté par Didier Zelvegre
"Le mot "Casage" vient des casiers en bois et du travail de tri/rangement dans des cases
Le service était situé derrière le quai de réception des marchandises, au fond d’une cour sise au 14 rue du temple.
Le chef de service s’appelait André Gauthier et son accueil fut un peu distant. Il faut dire que cheveux longs, pantalons « pattes d’eph » et blouson de cuir de moto faisaient partie de mon personnage, il est vrai peu engageant. Lui qui était en costume trois pièces, cela devait heurter sa sensibilité…
Je me souviens de cette odeur de vieux lino et de bois ciré du service.
Le sous chef ou chef de file s’appelait aussi M. Gauthier, mais lui c’était Jean. Il portait une blouse bleue marine avec des poches sur les côtés. Sous des abords bourrus, il cachait en fait une âme sensible et un cœur d’or.
La mission du service :
C'était le suivi des commandes passées par les Collectivités en général. Elles étaient gérées par le service DHC (Département Hôtels Collectivités) et bénéficiaient d’un escompte de 10% sur leurs achats.
Il fallait surtout s’occuper des commandes concernant les marchandises non disponibles qui faisaient alors l’objet d’un « Notage », autrement dit une réservation sur la prochaine livraison fournisseur.
Ce notage était glissé dans un carnet « DHC » puis positionné dans une case en bois selon un certain ordre.
J’étais employé comme « réclamateur » et devais relancer les rayons pour savoir où en était le fameux notage, dans combien de temps la marchandise serait livrée.
Le service s’occupait également des achats effectués par les employés pour les marchandises à livrer. On établissait alors un petit livret bleu (ou vert ??) qui était lui aussi positionné dans une case avant traitement de réclamation.
Je finis par connaître aussi la majeure partie des acteurs du magasin avec qui j’avais instauré une relation de confiance."
Qui es-tu Didier ?
"Ma carrière a débuté en 1972 à 19 ans...J'ai travaillé 7 ans dans ce premier poste, puis 6 ans au BDN (Bureau des nomenclatures) avant de faire un FONGECIF pour préparer un BTS Informatique. je deviens cadre à la Direction Comptable qq années plus tard, puis: Correspondant Informatique .Ensuite, j'ai mené le projet de passage à l'Euro pour le BHV. En 2004, j'ai intégré les galeries Lafayette, toujours à la Direction Comptable, pour terminer en 2011 comme responsable du Domaine Achats.".
Nous retrouvons à présent Antoine Eminian qui nous raconte le service BDN, mais avant,
Revoyons un peu ce quartier où circulaitent Didier, Antoine et les autres...
Le BDN par Antoine Eminian :
"En 1972, le SAS (Service d'approvisionnement des satellites) fut démantelé, réorganisation de l’approvisionnement, désormais l’Acheteur s’occupait du magasin phare de Rivoli et des magasins périphériques. Ayant un profile administratif, j’atterris au Service des Stocks dirigé par Gérard de C…..
Le service était divisé en deux entités distinctes, le Contrôle Factures et le BDN.
Revenons un instant sur le Contrôle Factures, archétype du service administratif d’une époque totalement oubliée de nos jours et qui ne connaissait pas l’informatique.
C’est quand je me remémore d’avoir connu ces temps d’avant l’informatique – comme on dirait avant JC – que je mesure combien j’ai vieilli et comme le temps est passé à une vitesse hallucinante.
Cette entité était dirigée par Mme Viémont qui régnait sur une population d’une trentaine de jeunes femmes, chargées de vérifier la conformité des factures reçues.
Le travail était entièrement fait à la main bien entendu, les calculs effectués avec d’antiques calculatrices mécaniques en métal vert, à manivelle !
L’implantation des bureaux me rappelait mes salles de classe encore récentes dans mon esprit : Mme Viémont, petite femme lunettée et sévère à son bureau, face à quatre rangées de bureaux regroupés par deux et les uns derrière les autres. Juste devant elle, ses trois adjointes, femmes de sa génération, Mme H…. agitée de tics nerveux et toujours en suées, Mme M…., chignon gris, toujours souriante et agréable et une autre dame, Mireille dont l’expression favorite et gouailleuse quand elle avait un problème ardu à résoudre, était d’avoir à « démêler des queues de singes » qui ne manquait pas de faire rire toute la salle !
Comme à l’école, Mme Viémont devait ramener le calme par des « Mesdames ! Mesdames ! » qui en général calmait les ardeurs buissonnières des travailleuses.
Si je connais bien ce service, c’est qu’en intégrant le Service des Stocks au début, j’étais logé à un bureau indépendant du Contrôle Factures, mais placé au fond de la pièce pour des raisons de place, avec un ou deux collègues dont Mr A…., une grosse voix de baryton mais gentil comme tout qui n’avait qu’un défaut, quand il se mouchait, bruyamment et avec tant d’application pour que tout reste bien au fond de son énorme tire-jus en tissu, la pièce entière retenait son souffle pour ne pas éclater de rire, ce qui contrariait fortement, comme vous le devinez, Mme Viémont.
Puis, j’intégrais définitivement le BDN, mot mystérieux sonnant comme KGB ou SDN, signifiant tout simplement Bureau Des Nomenclatures, car figurez-vous qu’entre-temps, un service informatique venait de voir le jour au BHV. Si l’informatique est sensée réduire les éditions de papiers, pour être franc, tout au long de ma carrière j’ai souvent entendu ce credo mais rarement vu ses applications, et des papiers, en cette période pionnière: il y en avait !
Nous ne faisions que ça, trier et distribuer des tonnes de documents édités par l’informatique. La nomenclature articles, quelle affaire !
Chaque article, codifié et complété de ses attributs, libellés et prix, était édité sur une fiche de papier regroupant six articles par page, page de format paysage 30x10cm (grosso modo) perforée.
Ces documents édités en double exemplaire nous parvenaient par le courrier interne, un exemplaire devait être distribué aux rayons, un autre restait en notre possession et nous devions le ranger dans les classeurs prévus pour.
Notre service archivait donc, l’ensemble de la nomenclature, des milliers de pages qui devaient être échangées à chaque création, modification, suppression d’un article par l’Acheteur, c'est-à-dire chaque jour ! Un boulot de dingue qui dans la pratique ne servait pas à grand-chose, car si chez nous certains s’appliquaient à classer méthodiquement ces fiches, d’autres s’en moquaient totalement, auxquels s’ajoutaient les erreurs bien pardonnables, ce qui aboutissait à un archivage peu fiable auquel nous n’avions jamais recours, par ailleurs.
Autres documents, les ORO ou Ordre de Réassort Orange. Un document édité sur du papier orange, of course, dont chaque feuille avait une souche carbonée, qui servait au magasin à formuler sa demande de marchandise auprès de l’entrepôt.
Sur les feuilles, la liste des articles du rayon, on y inscrivait la quantité demandée et les exemplaires accompagnaient la camelote en transit. Là encore, des cartons pleins de papiers, que nous distribuions aux rayons, avec notre petit chariot qu’on promenait dans les couloirs du septième étage, jusqu’aux cases du courrier situées dans les bureaux des Chefs de groupe.
Après notre passage, les cases débordaient de toute part et les secrétaires montées des rayons pour ramasser leur courrier, faisaient des tronches d’enterrement devant ces charges qu’elles devaient rapatrier dans leurs locaux.
Le bruit de notre chariot dans le couloir, doit être resté dans la mémoire des témoins de l’époque.
Cette tâche de tri, pénible et sans intérêt n’était qu’une partie de mon boulot, heureusement."