Mémoires du BHV: Evolution de l’architecture du magasin par Alain Dégranges 4/5
… en partie héritée du XIXème siècle.
Le magasin n’a pas en cette fin des années 1950 la structure que nous lui connaissons aujourd’hui.
Les façades Temple, Verrerie et Archives qui ont été construites un peu avant la guerre de 1914-1918, à la place des Hôtels particuliers qui occupaient l’ilot existaient dans leur forme actuelle.
La façade Rivoli était telle que l’avait connu Monsieur Ruel et les chambres de bonne situées sous les toits, servaient de réserves entre autres, pour la parfumerie. Au centre de l’ilot se trouvent des cours intérieures couvertes de verrières, à la hauteur du 2éme étage. Un seul escalator en bois situé à proximité de la rotonde, permet aux clients d’accéder facilement aux étages. Trois volées d’escalier placés, rue du Temple, au centre Verrerie et à l’angle Archives – Verrerie permettraient en cas de besoin d’évacuer le magasin. Si nous ajoutons les 3 ascenseurs qui sont encore aux emplacements actuels, mais qui ne montent qu’au 5éme ou au 4éme étage, les batteries de monte-charge qui vont su 2éme sous-sol au 5éme étage, nous avons un schéma des moyens d’accès nécessaires à la circulation du magasin.
Anecdote !
Il me revient une histoire amusante qui eut pour théâtre le couloir du 5éme étage, où se situait la Direction. Ce couloir qui desservait tous les bureaux des directeurs était gardé par un appariteur.
Un jour en remontant au 6éme étage où étaient nos bureaux, nous sommes attirés par un bruit de voix fortes venant du couloir de la direction habituellement très calme. La curiosité aidant, nous écoutons en approchant et entendons une cliente furieuse arrivée là, on ne sait comment, hurler : « Je veux voir la direction ! », tandis que l’appariteur tente de la calmer. La cliente crie de plus belle en levant les bras pour montrer les aisselles de son manteau et en désignant le bas du dos de son manteau de fourrure : « Voyez, Monsieur, c’est un scandale, je perds mes poils ». C’est en riant que nous avons très discrètement regagné nos bureaux et nous apprîmes plus tard que le manteau incriminé avait été échangé sans plus de bruit.
Rayon disparu
Certains rayons étonnent aujourd’hui, mais il faut savoir que nous avions un rayon « enseignes funéraires » où étaient vendues les fleurs artificielles, les couronnes mortuaires, les plaques de marbre et autres objets de porcelaine destinés au cimetière. Ce rayon a disparu depuis bien longtemps.
L'implantation du magasin
Le sous-sol bien qu’ayant changé a conservé son caractère de l’époque. Les bureaux des acheteurs étaient installés dans les caves des immeubles de la rue de Rivoli dont certaines servaient de réserves. De longs couloirs sombres parcouraient toute la longueur du magasin.
Au rez-de-chaussée, la parfumerie, la bijouterie, le ménage… et surtout le rayon Librairie qui est, disait-on, la première librairie de France, avec le « Furet du Nord ».
Les rayons de nouveauté : hommes et femmes sont placés au 1er étage ; il y a même un rayon Chaussures pour Hommes dont Monsieur Parizot est l’acheteur.
Un grand escalier à encorbellement monte du Rez-de-chaussée au 2éme étage. Cet escalier sera détruit lors des travaux d’agrandissement et remplacé par un escalator presque au même emplacement.
A cette époque le magasin bénéficie d’une surface de 18000 m².
Le quai qui reçoit les marchandises venant des réserves d’Ivry est rue de la verrerie.
Toute la journée des camions et des camionnettes aux couleurs du magasin y arrivent et en repartent ce qui crée souvent des embouteillages dans la rue.
Le bâtiment Marchand n’existe pas encore.
Il faudra plusieurs années de travaux pour que la structure du BHV comprenne 32 000 m² de surface de vente. Une grande partie des vitrines sera supprimée. On en fera des boutiques dans lesquelles des camelots ou posticheurs feront des démonstrations bruyantes qui attirent un nombreux public de badauds. Qui se souvient de Pierrot la Tarte avec ses tartes à l’oignon ?
Le service du personnel est au 5éme étage .
Seuls les « Décorations-Etalages », sont à l’extérieur, un peu plus loin au 58 rue du Roi de Sicile, dans la cour avec ses ateliers au RdC et ses bureaux au 1er étage.
Dans le bâtiment sur rue au 5éme étage sont les salles de sport de l’US BHV avec les vestiaires, les douches … C’est là qu’ont lieu les leçons d’escrimes, de gymnastique, de danses sportive. Etc…
Au début des années 1960, le service des comparaisons dirigé par Michel Bigey se situe rue de la verrerie près des « emportes » et Ketty Barnovi est chargé des relations avec la Presse dans le cadre de la promotion des ventes, sous l’autorité de M Gattégno.
La promotion des ventes est un point de passage quasi obligé pour les stagiaires des Grandes écoles et ceux-ci vont se succéder sans discontinuer. C’est ainsi que Claude Fersztand, Michel Bigey, Yves Djian, Jean-Claude Pautrot, Michel Crouzette et bien d’autres, sont restés assis plus ou moins longtemps au grand bureau double que j’occupe depuis que je suis devenu assistant de ventes, entre les bureaux des autres assistants et celui de JC Héry.
La signature du livre : "Paris Brûle t'il" par Dominique Lapierre en 1964, à l'arrière, debout: notre ami Alain Dégranges et Ketty Chedeau Barnovi.
Autre anecdote!
Il me revient une histoire énorme qui aurait pu mal tourner, mais qui reste néanmoins drôle.
JC Héry avait une peur bleue des souris et avait commis l’imprudence de s’en ouvrir, à l’équipe.
Un matin je reçois un coup de fil d’un collègue qui me dit : » Dites-moi, Dégranges, j’ai trouvé une souris morte dans mes bureaux, avez-vous idée de ce que nous pourrions en faire ? ». La perche était grosse et je lui dis que je venais la chercher.
J’attends l’heure du déjeuner et alors que tout le monde est parti, je dispose la souris morte dans le classeur tournant sur le bureau de JC Héry, puis je pars déjeuner à mon tour. L’après-midi, je n’y pense plus et tout est calme. Tout à coup, je lis dans le regard de Michel C, assis en face de moi, une lueur d’effroi et au même instant, un grognement sourd rythmé d’un bruit de tam-tam qui me fige sur place. Je vois alors JC Héry qui se lève en se frappant la poitrine : « Quel est le salaud qui a foutu une souris noire dans mon tiroir ! Explosant de rage, JC Héry assène un énorme coup de poing dans la cloison et laisse déborder le poing, dans le bureau voisin à 50 cm de Bernard Maussan qui tourne le dos et fait un bond en se demandant ce qui arrive. Chacun regarde maintenant JC Héry qui souffle et gronde, tout en reprenant progressivement son calme. Le silence s’installe et personne ne dit mot ! Puis, chacun explique à JC Héry que la souris a dû venir mourir là par hasard, que c’est incroyable, que ce n’est rien, que l’on va l’enlever et la faire disparaître.
Nous en avons reparlés entre initiés, mais je crois qu’il n’a jamais eu, le fin mot de cette mauvaise blague ? J’ai encore mauvaise conscience et peut-être ne suis-je pas le seul !
A suivre....